Dans le Livre de l’Intranquillité de Pessoa...

Publié le par Rosario Duarte da Costa




Fernando Pessoa

 

Dans le Livre de l’Intranquillité de Pessoa, ce texte m’a beaucoup
émue. En fait, l’auteur des hétéronymes encore une fois nous

montre sa facette poétique, philosophique, transcendantale, mystique,

…dans un langage simples que l’on peut faire lire facilement à

des gens de niveaux hétérogènes.

L’œuvre de F.Pessoa est si large, si profonde, si simple et autant

complexe, qui nous redonne envie d’y revenir même quand on l’a

déjà lu !

Rosario Duarte da Costa

Copyright

26/11/2009

 

« Le voyage inaccompli »

 

 

La petite fille sait bien que sa poupée n’est pas réelle-or elle la traite

comme un être réel, au point de pleurer et d’avoir du chagrin quand

elle se casse. L’art de l’enfant consiste à tout déréaliser. Bénie soit

cette période chimérique de la vie parce que le sexe en est absent,

qu’on nie la réalité simplement par jeu et qu’on croit réelles les choses

qui ne le son pas !

 

Que je redevienne enfant et le reste à jamais, sans m’attacher à la valeur

que les hommes donnent aux choses, ni aux liens qu’ils établissent entre

elles. Quand j’étais petit, il m’arrivait souvent de poser mes soldats de

plomb la tête en bas…Et connaissez-vous un seul argument, d’une

logique capable d’emporter la conviction, qui me prouve que les soldats

réels ne devraient pas marcher la tête en bas ?

L’enfant n’accorde pas plus de valeur à l’or qu’au verre. Et, en réalité l’or

vaut-il davantage ?- L’enfant, obscurément, trouve absurdes les passions,

les colères et les peurs qu’il voit comme sculptées dans les actions des

adultes. Et ne sont-elles pas aussi absurdes que vaines, toutes sans

exception, nos craintes, nos haines et nos amours ?

Ô divine et absurde intuition de l’enfance : Vision-vérité des choses, alors

que nous les revêtons de conventions dans notre vision la plus nue, et que

nous les embrumons d’idées subjectives dans notre regard le plus direct !

Dieu ne serait-il pas un enfant, infiniment grand ? L’univers entier une

plaisanterie, une gaminerie de l’enfant espiègle ? Si irréel, si […].

Je vous ai lancé cette idée pour rire, et maintenant qu’elle se trouve loin

de moi, voyez à quel point j’en saisis subitement toute l’horreur ( et qui

sait pourtant si elle ne reflète pas la vérité ?). Et la voilà qui retombe à

mes pieds, et se brise en poussière d’horreur, en mille éclats de mystère…

Je me réveille sans savoir que j’existe…

Un ennui incertain et profond gazouille sa fraîcheur déplacée à mon oreille,

Depuis les cascades, là-bas derrière les ruches, au fond stupide de jardin.

Fernando Pessoa

In "Le livre de l’Intranquillité "

CascadeAuteur de la Photo: Armando Isaac www.olhares.coml

Fernando Pessoa
Auteur:  josé I. Costawww.olhares.com


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