POESIE DE MIGUEL HERNANDEZ
Je dédie cette page à mon ami Paco !
L’art de faire des vers, dût-on s’en indigner,
Doit être à plus haut prix que celui de régner.
Tous deux également nous portons des couronnes ;
Mais, roi, je la reçus ; poète, tu la donnes.
( Attribué à Charles IX, s’adressant à Ronsard !)
Le sifflement de la Plaie parfaite
Ouvre-moi, Amour, la porte
de la plaie parfaite.
Ouvre-moi, mon Amour, ouvre
la porte de mon sang ;
Ouvre, pour qu’elles sortent
toutes les mauvaises anxiétés.
Ouvre, pour que ne se sauvent
les intentions troubles.
Ouvre, pour que mes veines
soient des pures sources,
mes mains des chardons secs
mes yeux des fosses tranquilles.
Ouvre, que vienne l’air
de ta parole… Ouvre !
Ouvre, Amour, que déjà rentre…
Ai !
que non se sale… !Ferme !
Poète né à Orihuela en 1910, issu d’une famille pauvre qui pourtant
lui a fait suivre des études au Collège de Santo Domingo où il s’est
fait remarquer très rapidement auprès de ses professeurs par son
goût de la lecture et une intelligence remarquable !
Pourtant, il a dû continuer à s’occuper des brebis pour aider ses
Parents « pasteurs » ce qui ne l’a pas empêché d’écrire de la poésie!
Plus tard, devenant jeune homme il décida de partir vers Madrid
avec comme bagage une valise de vers qu’il publia grâce à l’aide de
grands poètes de l’époque « Garcia Lorca, Pablo Neruda, Aleixandre,
Alberti...”.
Poète de la Guerre, il fut incorporé comme tant d’autres jeunes
Espagnols…
Au retour de celle-ci, Miguel Hernandez arrêté par la police espagnole
est ensuite condamné à mort, puis –du fait de l’intervention de ses
amis celle-ci fut changée en trente ans de prison !
Durant son incarcération il continua ses écrits mais, en 1941 suite à
des fièvres constantes et à une Tuberculose pulmonaire son état
devient gravissime et il décède en 1942.
C’est un très bon poète, qui est parti très jeune et pour lequel j’ai
Beaucoup de respect et de tendresse. Pour cela, je souhaite le
partager avec vous !
Rosario Duarte da Costa
4/06/2009
Copyright
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MIGUEL HERNANDEZ
les chants rugueux de la terre
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« Ah, comme elle est belle la terre de mon jardin. Elle sent un parfum de mère qui rend amoureux... »
Miguel Hernández avait les entrailles nouées à la terre et la tête contre les chaudes mamelles de ses chèvres. De là tous les tressaillements du monde lui parvenaient. Lui le petit paysan "à la tête de patate", savait dire au vent et aux hommes le pouls des choses qui battent, des hommes qui souffrent.
Il était né dans une petite ville, Orihuela, près d'Alicante, le 30 octobre1910. Son père était gardien de chèvres. Il y passa sa jeunesse en gardant les troupeaux et en regardant passer les rêves dans les nuages, attendant sur le dos que ses chèvres broutent le temps qui passe. Autodidacte à peine dégrossi par les Jésuites (école San Domingo de 1924 à 1925), il ne se nourrissait que de livres de poésie et de rosée. Aussi étonnant que cela puisse paraître c'est le très complexe et tortueux Gongora qui le fascina et modela ses premiers poèmes (les lunes examinées1933- Peritos en lunas). De Gongora il avait pris le goût des images fantasques, incongrues alliées à une forme stricte. Saint-Jean de la Croix était aussi une de ses lectures préférées. Son meilleur ami fut Ramón Sigé, écrivain officiel de la ville.
Répondant à un appel intérieur il quitte sa ville natale, sa femme et ses enfants pour rejoindre Madrid, comme un papillon vers la lampe. Sa solitude semblait trop étroite et le besoin de rencontrer d'autres poètes trop fort. Et à 21 ans le voici sur les routes passant de la poussière au bitume.
Ses rencontres avec Lorca, Alberti et Neruda sont pour lui un choc profond. Lui le paysan taciturne se trouve en face des grands poètes espagnols et qui le reconnaissent et le protègent. Tous s'émerveillent devant ce pasteur-poète qui sent si bon la terre et l'authentique. Lui continuait à se sentir perdu, sans la tendresse de ses chèvres, ni le frémissement de la terre. Il se résigna à travailler chez un notaire.
Il n'y rencontra pas l'obscure magie du droit, mais l'amour en la personne de Josefina Manrresa. Sa poésie se soulève alors en chant sensuel. El rayo que no cesa ( la lumière qui jamais ne s'éteint), entrevoit le tragique de la vie et la magie de l'amour.
Il fut aussi le secrétaire de José María Cossío, spécialiste taurin. Peu à peu l'influence déterminante de Pablo Neruda change son écriture. Il se dégage de l'ombre de l'ami précieux Ramón Sigé, englué dans le religieux, et qui meurt en 1935 le laissant quasiment orphelin.
Et ce jeune paysan prend conscience des houles sociales, de la souffrance du peuple. Il deviendra après sa mort, une icône des communistes. En 1936, Miguel devient totalement madrilène dans cette atmosphère de guerre montante qui rôde. Ses amis soutiennent la République et tout naturellement il les rejoint. Ses poèmes chantent la liberté à défendre
.
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L'horrible guerre civile qu'il voit monter, la tragédie du quotidien, change du tout au tout son écriture qui devient compacte et violente. Partisan de l'armée républicaine en septembre, 5é régiment, il voit son fils mourir et les carnages de la guerre tout autour de lui.
Il est le commissaire à la culture du "Bataillon de " El campesino". Sa foi communiste le fait participer à Moscou au Veme festival du théâtre soviétique. Plus important que cela il se sera marié en 1937, chez lui à Orihuela avec Josefina. Il aura un fils Manuel Ramón en 1938 et un autre Manuel Miguel en 1939. Pour eux il écrit de merveilleux poèmes de tendresse et d'espoir.
Témoin de l'atroce il transcrit dans ses recueils Viento del pueblo (1937) et El hombre acecha (1938), la déshumanisation des hommes. Après le triomphe du fascisme de Franco, il tente de s'enfuir au Portugal, alors que ses amis lui proposent de se réfugier à l'ambassade du Chili, mais la Garde Civile l'arrête et le torture.
Dans sa prison de Madrid, a Torrijos, il continue à écrire de la poésie, souvent sur du papier-toilette ou des morceaux épars de papier. Ses amis (Neruda surtout),intercèdent pour le sauver et le faire s'enfuir. Mais lui fier et orgueilleux de la bonté et de la dignité des pauvres n'a de cesse que de vouloir revenir dans sa ville natale Orihuela, où sa famille est restée. Neruda s'occupe de sa famille. Mais il ne peut que tenter de prendre de vitesse la condamnation à mort qui plane sur la tête de Miguel Hernández en juillet 1940. Il réussit à faire commuer la peine de Miguel en trente années de prison.
Il sera aussi de nouveau emprisonné dans la prison d'Alicante, où avec pour seule compagne sa tuberculose, il passera trois ans.
Dans cet isolement total il écrit Cancionero y romancero de ausencias. Si forte est la censure que ce recueil ne sera publié qu'en 1958.
Miguel Hernández meurt le 28 mars 1942 à cinq heures et demie du matin, portant en lui du fond de ses ténèbres des messages d'espoir.
Dans son cachot les fièvres l'ont emporté loin des murs des hommes.
Sur les murs de l'hôpital il aura écrit ces ultimes graffitis:
"Adieu, frères, camarades, amis: laissez-moi prendre mon congé du soleil et des champs."
Ainsi se refermait la trajectoire d'un petit paysan, presque inculte qui aura rencontré ses pairs poètes qui ne le rejetèrent point, il aura rencontré aussi l'humanité afin de devenir le porte-parole des opprimés. Sa poésie militante chante encore plus l'amour que la foi en des lendemains radieux. La mort y est tapie, l'injustice est le monstre à abattre, mais l'amour est le plus fort jusqu'au bout.
Gabriel Celaya s’était exclamé : "La poésie est une arme chargée de futur".
Le tyran Franco pourrit au milieu des charognes, et la poésie de Miguel Hernández est toujours elle un printemps vivant, le printemps du futur.Enrique Morente l'a chanté, Paco Ibanez aussi, Vicente Pradal le chantera, ainsi vive de bouche en bouche les poètes.
A jamais.
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(...) Parmi les amis de Federico et Rafael il y avait le jeune poète
Miguel Hernández. Je l’ai connu lorsqu’il arrivait de ses terres d’Orihuela où il avait gardé les chèvres, en espadrilles et vêtu d’un pantalon paysan de velours.
J’ai publié ses vers dans ma revue “Caballo verde“, l’éclat et le brio de sa poésie m’enthousiasmaient.
Miguel était si paysan qu’il transportait un souffle de terre autour de lui.
Il avait un visage de motte de terre ou de patate que l’on arrache d’entre les racines et qui conserve sa fraîcheur souterraine.
Il vivait et écrivait chez moi.
Ma poésie américaine, faite d’autres horizons, d’autres plaines, l’impressionna et le transforma.
Il me racontait de terrestres histoires d’animaux et d’oiseaux.
Il était cet écrivain sorti de la nature comme une pierre intacte, à la virginité sauvage et à l’irrésistible force vitale.
Il racontait combien c’était impressionnant de poser ses oreilles sur le ventre des chèvres endormies. On pouvait ainsi entendre le bruit
du lait qui arrivait aux mamelles, cette rumeur secrète que personne n’a pu écouter hormis ce poète des chèvres.
A d’autres reprises il me parlait du chant des rossignols.
Le Levant espagnol d’où il provenait, était chargé d’orangers en fleurs et de rossignols. Comme cet oiseau n’existe pas dans mon pays, ce sublime chanteur, ce fou de Miguel voulait me donner la plus vive expression esthétique de sa puissance. Il grimpait à un arbre
dans la rue, et depuis les plus hautes branches, il sifflait comme chantent ses chers oiseaux au pays natal.
Comme il n’avait pas de quoi à vivre, je lui cherchais un travail.
C’était difficile pour un poète de trouver du travail en Espagne.
Finalement un Vicomte, haut fonctionnaire des Relations, s’intéressa à son cas et me répondit que oui, qu’il était d’accord, qu’il avait lu les vers de Miguel, qu’il l’admirait, et que celui-ci veuille bien indiquer quel type de poste il souhaitait pour rédiger sa nomination.
Rempli de joie, je dis au poète:
- Miguel Hernández, tu as enfin un destin. Le Vicomte t’embauche.
Tu seras un haut employé. Dis-moi quel travail tu désires effectuer pour que l’on procède à ton engagement.
Miguel demeura songeur. Son visage aux grandes rides prématurées se couvrit d’un voile méditatif. Des heures passèrent et il fallut attendre l’après- midi pour qu’il me réponde. Avec les yeux brillants de quelqu’un qui aurait trouvé la solution de sa vie, il me dit:
- Le Vicomte pourrait-il me confier un troupeau de chèvres par ici, près de Madrid ?
Le souvenir de Miguel ne peut s’échapper des racines de mon coeur. Le chant des rossignols levantins, ses tours sonores érigées
entre l’obscurité et les fleurs d’orangers, dont la présence l’obsédait, étaient une des composantes de son sang, de sa poésie terrestre
et sylvestre dans laquelle se réunissaient tous les excès de la couleur, du parfum et de la voix du Levant espagnol, avec l’abondance et la fragrance d’une puissante et virile jeunesse.
PABLO NERUDA
“Confieso que he vivido”
1974
Traduction Vicente Pradal - juin 2004
Élégie à Ramón Sijé
Je veux avec mes larmes être le jardinier
de la terre que tu occupes et que tu fertilises,
si tôt, compagnon de mon âme.
Nourrissant de ma douleur sans instrument
pluies, orgues et coquillages,
je donnerai ton coeur pour aliment
aux coquelicots désemparés.
Tant de douleur s’amoncelle en mon flanc,
mon mal est tel que mon souffle est souffrance
Un coup de poing dur, un coup glacé,
un invisible et homicide coup de hache,
une poussée brutale t’as abattu.
Nulle étendue plus grande que ma plaie,
je pleure mon malheur, ce qui l’entoure
et je sens plus ta mort que je ne sens ma vie.
Je marche sur des chaumes de défunts,
et sans chaleur humaine, sans consolation,
j’oscille entre mon coeur et mes occupations.
Trop tôt la mort a pris son vol,
trop tôt s’est réveillée l’aurore,
trop tôt tu tombes sur le sol.
Je ne pardonne pas à la mort amoureuse,
je ne pardonne pas à la vie inattentive,
je ne pardonne ni à la terre, ni au néant
En mes mains je déchaîne un ouragan
de pierres et d’éclairs et de stridents flambeaux,
affamé, assoiffé de désastres.
Je veux gratter la terre avec mes dents,
je veux trier la terre motte à motte
à coups de dents secs et brûlants.Je veux miner la terre jusqu’à ce que je te trouve
et embrasser ton noble crâne
et te débâillonner et te faire revenir.
Tu reviendras à mon verger, à mon figuier:
parmi les fleurs en jardins suspendus
voltigera ton âme butineuse
de cires angéliques et de dentelles.
Tu reviendras où roucoulent les grilles
des laboureurs énamourés.
Tu réjouiras l’ombre de mes sourcils,
d’un côté les abeilles, de l’autre ta fiancée,
viendront se disputer ton sang.
Mon avare voix d’amoureux
appelle vers un champ d’amandes écumantes
ton coeur, velours déjà fané.
Vers les âmes ailées des roses
de l’amandier de crème je t’appelle :
car nous avons tant de choses à nous dire,
compagnon de mon âme, compagnon.
Miguel Hernández le 10 janvier 1936
traduction Vicente Pradal / novembre 2003
Que veut le vent de Janvier ?
Que veut le vent de Janvier
qui descend par le ravin
et violente les fenêtres
quand te couvrent mes baisers ?
Nous effondrer.
Nous traîner.
Effondrés et traînés
les deux sangs se sont éloignés,
mais que veut encore le vent
chaque fois plus en colère ?
Nous séparer.Miguel Hernández
traduction : V. Pradal octobre 2004
bibliographie en français
1. La foudre n'a de cesse (11 janvier 2002)
2. Hormis tes entrailles (novembre 1989)
3 . Au coeur de la lumière (1961)
4 . El Hombre Y Su Poesia
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